Witxes

Publié le par Cyril Caucat

Witxes au musée Fenaille (Rodez)
Witxes au musée Fenaille (Rodez)

1- Witxes ? Ce projet existe depuis combien de temps, pourquoi, comment ? Ta musique, tu en dirais quoi si tu devais la décrire à un non averti...

1/ Le projet va fêter ses 5 ans ce printemps. Il est né à un moment où tous les groupes dans lesquels j'étais impliqué, à différents degrés, se sont arrêtés, et très vite la question s'est posée de savoir comment j'allais continuer la musique. Dans les mois précédents ces "séparations", j'ai esquissé quelques trames de morceaux sans arrière pensée sur mon ordinateur, et c'est dans cette direction que je suis allé. Si cela est différent de mes précédents groupes, au final je fais toujours ce que j'y faisais : travailler sur l'ambiance, l'atmosphère, l'environnement, l'état second, les mélodies, les mélanges, la narration, l'état second, la recherche d'une identité musicale et sonore. Mais tout cela se fait beaucoup plus naturellement que ça ne s'écrit ou se décrit, cela n'est pas aussi pompeux ! Décrire la musique de Witxes ne m'est pas aisé, mais je dirais que je m'évertue à créer des environnements sonores, des pièces musicales qui ne sont pas expérimentales à proprement parler, mais qui revêtent un caractère abstrait par rapport aux repères musicaux auxquels les gens sont aujourd'hui habitués. Pour ce faire, je m'entoure ponctuellement d'amis et de musiciens qui contribuent à différents degrés, autant par l'électronique que l'électrique ou l'acoustique. Je dirais également que la narration a une place importante dans ma musique.

2- Le premier disque est sorti sur Humanist Records, puis le second chez Denovali (avec réédition du premier), comment ce transfert s'est opéré ?

3- Que penses-tu du travail de Denovali ? Le rythme effréné de leurs sorties n'est-il pas préjudiciable pour toi ? (C'est une question..)

2/3/ Cela s'est passé très simplement. 2 mois seulement après la sortie de Sorcery/Geography chez Humanist Records, Denovali Records m'a contacté pour me proposer de faire la suite avec eux (et rééditer celui-ci au passage). Après quelques mois de discussions, une rencontre à leur festival d'Essen, et l'accord de Humanist Records, je me suis décidé à travailler avec eux. C'est un label qui travaille beaucoup, qui se donne beaucoup de mal pour se faire connaître, organiser des événements autour de son catalogue (festivals), faire tourner ses artistes ensemble, et offrir une vision de ce qu'est leur label. Il est certain que l'équilibre quantité - qualité est fragile, et cela relève d'un choix aussi personnel que stratégique pour n'importe quel dirigeant de label. Nous ne sommes pas toujours d'accord mais cela fonctionne pour le moment. Je dois malgré tout continuer de m'occuper de tout un tas de choses extra-musicales pour faire connaître ce que je fais. Je ne suis pas fan de tout le catalogue mais ça fait partie du jeu, et avoir pour collègues Dale Cooper Quartet & the Dictaphones, Saffronkeira, Oneirogen, AUN, Pan & Me, Petrels, Thomas Köner, Celeste, et sortir de bons et beaux produits, ce n'est pas déplaisant, au contraire.

4- Depuis ta signature sur Denovali, tu as fait pas mal de concert, tu tournes beaucoup... Qu'en dis-tu ? Tu travailles avec Kongfuzi non ?

4/Oui je fais plus de concerts depuis quelques temps... J'ai fait trois tournées en Europe depuis la sortie de A Fabric of Beliefs. Ce que j'aime, c'est d'être autant invité à jouer dans un festival jazz ou électronique que dans un club expé ou métal, des caves du Loir-et-Cher à la basilique de Cologne. Les gens ont du mal à me caser, et si c'est parfois un frein, c'est aussi quelque chose dont je suis fier puisque cela veut dire que la pari de ma musique est en parti réussi. Si l'Europe est assez accueillante, la France est beaucoup plus frileuse. Je suis maintenant chez Kongfuzi, j'espère que nous réussirons à construire quelque chose sur le long terme et que je pourrai me produire par ici plus souvent. Ensuite, pour répondre au fond de la question, faire des concerts avec cette musique, c'est un questionnement et un doute permanent, parce que ma musique est par essence une musique de studio, une musique enregistrée qui utilise largement des outils de transformation, de maquillage et de prestidigitation qui sont quasiment incompatibles avec le live. Donc mes performances sont globalement plus fortes, frontales, agressives et hypnotiques que mes disques, il y a moins d'air et peut être moins de diversité, mais j'essaye de jouer un maximum de choses en direct, avec des samplers et loopers, avec un synthétiseur et ma guitare, et puis je me sers de quelques effets et du laptop pour créer l'environnement. Mais si cela fait une vraie différence à titre personnel, je me rends de plus en plus compte que cela ne fait aucune différence pour le public, et du coup, tu en viens à te poser la question "pourquoi s'embêter à jouer tout cela si au final ça n'est pas, selon moi - et donc peut être le public - à la hauteur des disques ?". Du coup je lutte contre ça, je remanie les choses pour essayer de faire en sorte que les gens retrouvent aussi ce qu'ils apprécient sur mes disques, mais c'est une expérience très différente, la même musique mais écoutée sous un tout autre angle.

5- Quand on te compare à Tim Hecker ou Fennesz ça te plait, ou ça t'agace...

5/La comparaison ça peut flatter autant que ça agace. Il est indéniable que ces deux artistes ont eu et ont une influence importante sur moi. J'ai découvert "An Imaginary Country" de Tim Hecker quelques mois avant de commencer ce projet, et avec quelques autres disques de 2008 à 2010 (The Sight Below, Ben Frost, Pan American, Taylor Deupree, Htrk, Fever Ray, etc.), il a été décisif dans l'orientation de Witxes. Tout comme le morceau "Transit" de Fennesz avec David Sylvian. Ce qui peut agacer, c'est soit le manque de culture, soit la fainéantise qui peut se cacher derrière certaines comparaisons : je n'ai pas leur expérience et mes productions n'ont pas la maturité de ces artistes qui travaillent depuis 15 - 20 ans dans ce domaine. Mais au-delà de cela, si on porte vraiment attention à leur production, à ce qu'ils recherchent, aux méthodes utilisées, on ne peut honnêtement pas dire que nous faisons la même musique. Je dirais que ce qui nous rapproche, c'est un sens fort de la mélodie et des motifs dans l'expérimentation, une musique pop affranchie d'un grand nombre de règles. Au final, la majeur partie des artistes qui m'influencent sont en dehors de ces sphères, mais si je devais choisir quelqu'un dans ce milieu, c'est Tim Hecker, sa musique me parle et me touche comme peu d'autres, et je me retrouve dans ce qu'il fait. Je pourrais également dire que je me retrouve totalement dans la passion musicale que guide Oren Ambarchi, et pourtant notre musique n'a rien à voir.

6- Tu viens de sortir un disque avec dale Cooper Quartet & The Dictaphones, peux-tu nous en parler davantage ? Comment à germer cette collaboration ?

6/Dale Cooper Quartet & the Dictaphones, c'est un de mes groupes préférés en France, et il se trouve que nous partageons actuellement le même label. Denovali nous a proposé une tournée commune et un split à cette occasion. Je dois avouer ne pas trop aimer le concept basique du split, du coup j'ai suggéré que nous fassions quelque chose de plus stimulant et intéressant que de fournir un morceau chacun de notre côté. L'idée que nous avons adoptée est donc que chaque "groupe" devait construire, composer un nouveau morceau à partir d'un morceau de l'autre. En l'occurrence, les DC4 ont créé une nouvelle pièce à partir de The Apparel (issu de A Fabric of Beliefs) et j'ai composé Pisces Analogue à partir de Nourrain Quinquet (issu de Quatorze pièces de menaces). Cette pièce est intéressante dans le sens où elle est extrêmement différente de mes deux premiers albums et des mes productions passées, mais également différente de ce que je prépare pour l'avenir. C'est une parenthèse, plus synthétique, plus électronique peut être, enregistrée et mixée en 2-3 semaines l'été dernier, avec Michaël Mysak, qui avait déjà participé aux précédents disques. Avec les DC4, nous avons fait une belle tournée, une vraie rencontre, 6000km et 11 dates en 11 jours des Pays-Bas jusqu'au plein sud de l'Italie. J'ai eu la chance de les voir tous les soirs, et parfois, ça peut être fatigant même avec une musique qu'on aime beaucoup, mais avec eux ça s'est fait naturellement, je voulais être là, baigner dans cette atmosphère et leur musique tous les soirs. J'espère que cela se reproduira. Pourquoi pas en France ?

7- Tu prépares un nouvel album ?

7/Oui, je prépare un nouvel album, ça fait plus d'un an que je le prépare dans ma tête, dans mes notes, dans mes recherches, mais le travail réel ne fait que commencer. Je crois que j'essaye de trouver un équilibre entre accepter ce qui sort de moi naturellement et réussir à créer précisément ce que je recherche. Ce sont souvent deux choses différentes, et je dois travailler pour trouver un point de rencontre sensé. Autant pour les deux premiers albums, je ne recherchais qu'une authenticité, quelque chose qui me ressemble, sans ambition autre que d'être une production personnelle aboutie. Pour ce nouvel album, j'ai envie de quelque chose de plus fort, de me faire un peu plus violence pour essayer d'aller au-delà de ces deux premiers albums. Pour moi, il était évident que le deuxième album serait une suite au premier, un complément d'information, d'identité. Maintenant que les fondations sont posées, je peux commencer à construire quelque chose d'un peu plus ambitieux tout en restant fidèle à mes idées et à ma façon de faire.

8- Ton actualité Live ? Des remixs ?

8/ Je pars faire quelques dates au Bénélux fin avril avec Alberto Boccardi mais aussi une date avec mes amis québécois de AUN et une autre avec Puzzle Muteson, membre de la Bedroom Community avec Valgeir Sigurdsson, Nico Muhly ou encore Ben Frost. Je jouerai aux Nuits Sonores en mai puis dans un festival à Berlin en juin, et peut être quelques dates européennes en fin d'année. J'ai moins de concerts prévu cette année de par la préparation du nouvel album. En ce qui concerne les remixes, récemment il y en a eu un pour Silent Whale Becomes A Dream chez toi (Arbouse Recordings), il y un remix pour un artiste costaricain nommé Eus que j'aime particulièrement, mais aussi un pour le duo drone métallique canadien Northumbria, un pour Oiseaux-Tempête sur leur Re-Works (chez Sub Rosa) et en ce moment je travaille, lentement mais surement, sur des remixes pour Blackthread, artiste lyonnais que je recommande vivement, ou Chris Garneau.

https://witxes.bandcamp.com/

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